Fusion carte Vitale - carte d'identité : tout ce qu'il faut savoir

En mai 2023, l’ancien ministre délégué chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, a dévoilé un vaste plan de lutte contre la fraude sociale. Parmi les mesures annoncées, le projet de fusion carte Vitale – carte d’identité soulève de nombreuses interrogations, que ce soit en matière d’efficacité ou de protection des données.

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Fusion carte d’identité – carte Vitale : l’historique du projet

 

Souhaitant renforcer l’efficacité des dispositifs existants pour lutter contre la fraude, les pouvoirs publics ont confié au début de l’année 2023 une mission à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l’Inspection générale des finances (IGF). Objectif : comparer différents scénarios, en particulier la mise en place d’une carte Vitale biométrique ou la fusion de la carte d’identité avec la carte Vitale.

Le projet de carte Vitale biométrique a finalement été écarté, jugé bien trop onéreux par l’Inspection des affaires sociales et l’Inspection générale des finances.

D’autres facteurs ont également été pointés du doigt : la sensibilité des données impliquées ; les risques importants en cas d’attaque informatique ; les difficultés de déploiement chez les professionnels de santé, qui devraient s’équiper de dispositifs de contrôle biométrique et les mettre en œuvre… Sans oublier que ces professionnels ne sont pas enclins à prélever les empreintes digitales de leurs patients.

Enfin, il a été souligné que la capacité à confier une carte Vitale à un tiers devait être maintenue, notamment pour tenir compte des situations spécifiques de certains assurés : par exemple, les proches aidants.

Le gouvernement s’est donc naturellement tourné vers le scénario d’une fusion carte Vitale – carte d’identité.

Quels sont les enjeux de la fusion carte Vitale – carte d’identité ?

 

L’objectif affiché de cette mesure est la lutte contre la fraude sociale, dont le montant est estimé entre 6 et 8 milliards d’euros par an en France.

En effet, fusionner la carte Vitale et la carte d’identité permettrait de vérifier directement si le patient peut bénéficier ou non d’un remboursement de soin. Une vérification effectuée en temps réel sur l’écran du professionnel de santé. En cas de défaut, la personne concernée pourra toujours être soignée, mais elle devra régler elle-même les honoraires. Le projet prévoit également des pénalités renforcées, avec une majoration des frais de gestion de l’ordre de 10 %.

Sur le plan technique, cette nouvelle carte devrait contenir une puce compartimentée, avec un espace dédié à l’état civil et un second réservé au numéro de sécurité sociale. Quant à son déploiement, aucun calendrier n’a été révélé à l’heure actuelle. La transition sera envisagée lorsque les délais d’obtention des cartes d’identité et passeports, particulièrement longs depuis quelque temps, reviendront à la normale.

Enfin, sur le plan financier, la fusion de la carte nationale d’identité et de la carte Vitale ne devrait pas représenter un coût majeur, d’après Bercy. Elle pourrait même engendrer des économies, car il ne sera plus nécessaire de produire les deux cartes séparément.

Les objections de l’assurance maladie

 

Malgré les arguments présentés par le gouvernement, le projet de fusion carte d’identité – carte Vitale est controversé.

D’après Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam (Caisse générale d’assurance maladie), l’intérêt de cette mesure en matière de lutte contre la fraude reste à démontrer. En effet, la fraude liée à une utilisation abusive de la carte Vitale représente un montant anecdotique.

De l’aveu même de Gabriel Attal, les assurés sont à l’origine de 30 % des détournements, tandis que 70 % des arnaques sont l’œuvre de professionnels de santé. Le ministre cite d’ailleurs, comme exemples, des centres de santé dentaire et ophtalmologique qui surfacturent des actes, mais aussi des pharmacies qui réalisent de faux tests antigéniques.

En outre, la fraude à l’identité, dans laquelle une personne utilise la carte d’une autre, est résiduelle comparée aux postes les plus importants : à savoir, la fraude aux arrêts maladies et la fraude à la complémentaire santé solidaire, qui ne sont pas concernées par la carte Vitale.

Les réticences de la CNIL

 

Auditionnée dans le cadre de la mission de l’IGAS et de l’IGF, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a fait part de sa position dans un courrier en date du 13 mars 2023.

Verdict : la CNIL a estimé que le scénario visant à intégrer le numéro de sécurité sociale (NIR) dans la carte d’identité constitue la solution la moins intrusive et la moins risquée. Toutefois, elle a émis plusieurs recommandations visant à assurer la protection des données personnelles des patients.

En premier lieu, le numéro de sécurité sociale ne devra pas être écrit sur la carte (même sous forme de code QR), mais bien inscrit dans la puce électronique au sein d’un compartiment cloisonné. De cette façon, il ne pourra être lu que par les professionnels de santé.

D’ailleurs, des mesures de sécurité spécifiques devront être déployées pour garantir la confidentialité du NIR. Toute personne accédant au numéro de sécurité sociale, notamment au moment de la création de la carte d’identité, devra être soumise au secret professionnel.

Enfin, la carte Vitale n’étant pas obligatoire, la loi devra prévoir la possibilité pour un citoyen de s’opposer à l’inscription de son NIR sur sa pièce d’identité.

Malgré son intérêt pour la lutte contre la fraude sociale, la fusion carte Vitale – carte d’identité fait l’objet de critiques et soulève des questions importantes en matière de protection des données. Dans ce contexte, une mission de préfiguration a été lancée début juillet afin de préciser la mise en œuvre juridique et technique de cette mesure.